Mehmet Güleryüz : "QUAI AUX FLEURS"

La vivacité des œuvres de Mehmet Güleryüz fascine. Son trait, imprimé directement dans la peinture à l'aide d'un couteau, avec une énergie à la fois absolument spontanée et totalement maîtrisée, est la signature d'un grand maître. Il y a trois ans, le galeriste parisien Cyril Guernieri lui consacrait une première exposition, révélant au public français ses peintures puis ses dessins. La découverte de son œuvre avait alors fait grand bruit. Car Güleryüz est un artiste considérable et complet (dessinateur, peintre, sculpteur), véritable légende vivante dans son pays. Preuve en est que sa rétrospective à Istanbul en 2015 a été l'une des expositions les plus visitées au monde cette année là, avec pas moins de 300.000 entrée ! Güleryüz compose d'une traite, dans la plus totale improvisation, au cours de sessions de travail qui peuvent atteindre dix à quinze heures, des scènes qui sont avant tout des portraits psychologiques de ses contemporains. On est stupéfait par la force avec laquelle cet homme de 83 ans sait exprimer sur la toile les tressaillements de nos âmes, les angoisses de notre temps. On connaît les mot de Rimbaud : «Je dis qu’il faut se faire voyant. Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens.» Nul doute que les sessions d'improvisation de Güleryüz sont des moments de transe, au cours desquels il capte les points de tension de notre époque. Ses toiles nous disent le temps en suspension dans lequel nous vivons, hantés que nous sommes par la survenue de la catastrophe écologique de trop, elles nous disent la solitude et l'incommunicabilité des individus asservis aux objets numériques, les aléas du couple... Et il ne faut surtout pas hésiter à s'approcher de ses tableaux pour laisser son regard naviguer dans les vibrantes arabesques de couleurs entremêlées qui tissent les compositions de Güleryüz et entrer dans la magie de ses créations. On se saurait que vous conseiller de courir voir cette exposition, qui se termine le 4 juin.